Le Leadership Éclairé est un leadership équilibré et authentique qui s’appuie sur le modèle de Leader en 3D conçu et développé par Denis Cocquet. Il repose sur trois dimensions : Le Leadership de Présence, le Leadership de Sens et le Leadership de Puissance. Trois dimensions qui réclament de s’articuler, se nourrir, se pondérer, et se potentialiser.
Le Leader Éclairé est ainsi aligné entre qui il est, ce qu’il vit et ce qu’il fait.
La présence permet de se relier à soi, aux autres et à son environnement. Créer ce lien est indispensable pour coopérer avec l’autre. C’est pourquoi nous consacrons les trois premiers épisodes de cette série aux trois aptitudes du leadership de présence: écouter, s’ancrer et aimer.
Dans les deux épisodes précédents, nous avons exploré les aptitudes d’écoute de son monde intérieur et d’ancrage dans son corps, au moment présent et à la Terre. Ces deux aptitudes forment le socle de la troisième aptitude du leadership de présence: l’amour.
“Nous pouvons peut-être définir l’amour [...] comme une forme de respect, de sensibilité de la part d’une personne envers l’existence de l’autre. Recevoir de l’amour, c’est ressentir que nous sommes l’objet de sollicitude: notre présence est remarquée, notre nom enregistré, nos opinions écoutées, nos manquements traités avec indulgence et nos besoins pris en charge. Avec cette attention, nous nous épanouissons” - Alain de Botton, Du statut social
La reconnaissance de l’être entier est au coeur de l’amour tel qu’il est défini par Denis Cocquet. L’aptitude d’amour vise à accueillir l’autre tel qu’il est , en distinguant son être des relations qu’il exerce et des activités qu’il réalise. Comme le dit Denis Cocquet, “aimer, c’est dire oui à ce qu’une personne est mais choisir de dire oui ou non à ce qu’elle fait ou vit, il y a une radicalité inconditionnelle du oui dans l’être, qui se nuance et se conditionne dans l’exercice de la relation et de l’activité.”
A la Fabrique des Leaders Eclairés, nous considérons que l’amour est le vecteur principal du lien social, et il se nourrit de la présence. En éloignant les salariés de leur lieu de travail et de leur collègues, le confinement et la mise en place du télétravail ont érodé ce lien. Dans certaines organisations, le déconfinement et la hâte de rattraper le retard accumulé pendant la crise a entraîné le retour voire l’intensification du contrôle. Cependant, la volonté de reprendre “comme avant” au détriment de la présence et de l’amour risque de faire passer le lien social de distendu à rompu pour les équipes, alors qu’il est essentiel pour cultiver l’engagement des individus dans l’entreprise.
Distinguer l'être et le faire pour libérer la créativité
La culture occidentale a tendance à envisager l’être humain comme la somme de ses comportements et de ses actions, à considérer l’être et le faire comme un ensemble indissociable. Cependant, cette confusion est redoutable, échouer une tâche ou un projet peut alors conduire non seulement à une remise en question de ce qui est fait mais aussi à une remise en cause de la personne.
Au sein de l’entreprise, lorsqu’on mesure la valeur économique des individus par leur productivité, ils vivent dans la peur de ne pas être à la hauteur de ce qui est attendu d’eux. Le faire, en tentant de satisfaire un besoin de contrôle et de sécurité, appelle la peur. Au contraire, l’être prospère et s’apaise dans l’ouverture, l’écoute, la confiance et la compréhension, c’est-à-dire dans l’amour.
Se détacher du faire n’est pas naturel, car le contrôle nous fait nous donner un sentiment de pouvoir et de sens. Daniel Gilbert, auteur de Stumbling Upon Happiness, montre à travers ses recherches que “les êtres humains viennent au monde avec une passion pour le contrôle et repartent avec, et les recherches suggèrent que s'ils perdent leur capacité de contrôler les choses à un moment entre leur entrée et leur sortie, ils deviennent malheureux, impuissants, désespérés et dépressifs”. Le besoin de contrôle est programmé dans notre cerveau.
Et si nous pouvions allier amour et contrôle? Le trait d’union s’appellerait alors la confiance et la maîtrise qu'appelle la compétence. Nous avons tous l’expérience de cette balance antagonique, moins il y a de confiance plus il y a de contrôle. L’amour et management apparaissent au premier regard comme deux notions antithétiques, mais l’amour est la pierre angulaire d’une entreprise performante. Comme Brené Brown, chercheuse américaine, autrice de Dare to Lead et conférencière connue pour son Ted Talk “Le pouvoir de la vulnérabilité” l’écrit, “si nous voulons que nos équipes s’investissent pleinement, qu’elles montrent leur être entier y compris leur coeur entier sans armure - pour innover, résoudre les problèmes et servir notre clientèle - nous devons être vigilants à créer une culture dans laquelle les individus se sentent en sécurité, vus, entendus et respectés.”
En effet, le faire émerge de l’être. Lorsque les individus n’ont plus peur de perdre leur place dans l’entreprise ou de ne pas atteindre les critères de mesure, ils peuvent concentrer tout leur être dans la mission qui leur est confiée. C’est ainsi qu’ils entrent dans l’état de “flow”, (ou “flux” en français), une notion de psychologie positive mise au point par Mihaly Csikszentmihalyi. Le flow est un état psychique dans lequel un individu se trouve lorsqu’il est pleinement concentré et engagé dans son activité.
Dire oui à l’être entier, mais choisir de dire oui ou non à ses actions
La plupart des leaders peinent à trouver l’équilibre entre être chaleureux et être fermes avec leurs équipes. Ils tendent souvent à faire pencher la balance du côté de la fermeté par peur de perdre en crédibilité s’ils se montrent trop accueillants. Pourtant, Brené Brown a découvert au fil de ses recherches en sciences humaines et sociales que les personnes montrant le plus de compassion étaient aussi les plus fermes concernant la limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas à leurs yeux. Elle définit la compassion comme une conviction profonde que nous sommes tous et toutes inextricablement connectés les uns aux autres par quelque chose enraciné dans l’amour et la bienveillance. Selon elle, un leader peut ainsi être compatissant envers l’être humain tout en étant clair sur les comportements attendus au sein de l’équipe. En séparant l’être de ses actions et en le rendant responsable de ses comportements, nous l’aidons à progresser. Ainsi, les limites ne sont pas génératrices de division mais de respect. Elles n’affaiblissent pas le lien, au contraire, elles le renforcent.
Cependant, malgré la littérature grandissante sur l’empathie et l’intelligence émotionnelle, les dirigeants peinent à sortir d’un paradigme de management dominé par le contrôle et la défiance envers leurs équipes. Comment peut-on expliquer la distance entre prise de conscience et application concrète ?
Retrouver une posture empathique pour écouter, comprendre et réengager ses équipes
Le maintien d’une certaine coupure pourrait être liée à ce que Dacher Keltner, professeur de psychologie à UC Berkeley, nomme le paradoxe du pouvoir. Selon lui, une fois arrivé à un poste de pouvoir, l’individu a tendance à oublier les capacités dont il a eu besoin pour obtenir cette position. Cet oubli n’est pas volontaire, au contraire, il se passe sans que nous en ayons conscience. Selon Sukhvinder Obhi, un neuroscientifique à l’université McMaster, le pouvoir altère un processus neuronal spécifique, “l’effet-miroir”, qui est un pilier de l’empathie et nous permet de voir les choses à partir du point de vue de l’autre personne. Les personnes avec du pouvoir semblent arrêter de simuler l'expérience des autres, ce qui génère un “déficit d’empathie”. Cependant, Kelter rappelle que le pouvoir n’est pas une position mais une construction mentale. Il recommande de se souvenir d’une fois où nous ne nous sentions pas en situation de pouvoir pour ramener le cerveau à la réalité.
Ici la distinction s’impose entre le pouvoir qui tend à dominer et l’autorité qui cherche à faire grandir.
Pour retrouver une posture empathique, essentielle pour écouter et comprendre ses équipes, rien de mieux que de passer du temps avec elles. A la Fabrique des Leaders Éclairés, lorsque nous accompagnons les entreprises pour construire l’après-coronavirus, nous encourageons les dirigeantes et dirigeants à s’asseoir avec leurs équipes et à les inviter à partager ce qu’elles ont vécu et ressenti durant la crise. En effet, lorsqu’un individu sent que les besoins et attentes de son être ont été écoutés et entendus, sa charge émotionnelle baisse et il retrouve l’espace et l’énergie nécessaires pour faire et accomplir ses missions.
Ainsi, pour être un vecteur de lien et d’engagement dans l’entreprise, le leader a besoin d’impulser une culture enracinée dans l’amour, c’est-à-dire dans l'accueil et la reconnaissance de l’être entier et dans la distinction entre l’humain et ses comportements.
L’amour est une des neuf aptitudes que nous développons dans nos parcours “Dirigeants Éclairés” et “Top managers Éclairés”, composés d’ateliers expérientiels inspirés des neurosciences et des arts, de séances de coaching individuel et de co-développement entre pairs.
Nous vous invitons à explorer votre aptitude d’amour, le 9 novembre 2020, lors de la NUIT DES LEADERS ÉCLAIRÉS, un événement immersif inédit combinant des ateliers expérientiels, des interventions inspirantes et le lancement national du Think Thank de la Fabrique des Leaders Éclairés®.
Nous concluons avec cet article l’exploration des trois aptitudes du Leadership de Présence (écouter, s’ancrer, aimer). Nous vous retrouvons la semaine prochaine pour l’épisode 4 de “L’été du leadership éclairé” consacré à la première aptitude du leadership de sens : voir.
En attendant, prenons soin de nous.
Par Murielle Montagnier dirigeante et fondatrice de la Fabrique des Leaders Éclairés et Romane Audibert.